On zigzague

    Dedans, dehors... Le proche et le lointain... Le bonheur et la joie...

    Heureux de zigzaguer ainsi sur les pentes de "Incroyable !"...

    Une préférence pour le zig-zag par rapport à la ligne droite...

    Souvenir d'une réponse de Régis Debray (qui était là sans "ses benets d'apôtres" comme dirait Julos Beaucarne) à qui on demandait: "Quand vous êtes avec Julien Gracq, qu'est-ce que vous vous racontez ?" Après plusieurs hésitations enfiévrées, étouffant tout discours, toute explication, Debray finit par lâcher: "On zigzague ! On zigzague !" et je les imagine bien dans le jardin de cette maison de Saint-Florent-le-Vieil dans cette sorte de géographie, de chorégraphie rythmée au son de leurs voix et que la Loire à leurs pieds aurait pu effacer de son large trait... Car zigzaguer ce n'est pas aller quelque part... il n'y a qu'un lapin pour croire ça dans sa fuite éperdue ! Zigzaguer à deux, mais aussi zigzaguer avec l'air, avec l'espace; avancer librement...

     Sur un plateau de théâtre, il faut sans doute qu'il soit grand, que les lumières soient copieuses et bien sûr précises pour créer cette impression de zigzag, cette ivresse des corps et des mots, ce chemin vers nulle part... M'amuse à me dire qu'une image de ce type - mais aussi plein d'autres d'ailleurs - pourrait valoir le prix d'un Picasso ou d'un Manet. !.. Heureusement que sa fugacité, son effacement dissuade le cours des Arts de venir planter ses guichets, ses estimations, ses surenchères de commerçant au premier rang de nos théâtres (seul les posters de Bob Wilson, maître en images, sont vus par tous...et d'ailleurs Wilson a bien su se vendre comme "image sur scène" !) L'image, partie de l'ensemble, elle s'imprime ou pas dedans la tête du spectateur, mais elle ne s'imprimera jamais dans une galerie, ou en grand nombre... Image unique, morceau de toute l'image, de toute la pièce...

    Quel geste proprement surréaliste de se mettre à vendre des images à la fin d'un spectacle : Avez-vous vu telle image à tel endroit ? - Oui ! - Voulez-vous l'acheter ? Et le spectateur sans répondre s'en va, interloqué, mais à tous les coups une image tatouée en lui (choisie par lui et "encadrée" par la question...) Il faut questionner le spectateur sur des riens...

    Tout comme un extrait d'une discussion érudite entre Debray et Gracq ou simplement l'image de leur "zgzaguement", un seul coup d'oeil, un seul coup d'oreille peut rapporter d'un spectacle une sensation vivante (truite sortant de l'eau) - forte et malléable - pour la vie.

     Voir et entendre et questionner, jouer de l'emporte-pièce !