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Incroyable !
14 décembre 2014

En dedans et en dehors

    Est-ce le gris aujourd'hui du brouillard accoucheur de fantômes qui me renvoie en moi ? Assis en moi.

   On dirait la paix.

   Observateur aveugle ou alors c'est la cécité du monde ! Et quelle est cette attente en moi ? Aussi: que dois-je attendre de moi ? Grandes questions, n'est-ce pas? Et irritantes encore plus une fois émises, n'est-ce pas ? Le prochain train que j'ai à prendre sera celui qui s'élancera vers une nouvelle série de répétitions de "Incroyable !" et qui m'emènera après les fêtes de fin d'année - sans arrêt - jusqu'à ce faux terminus que peut-être la première d'un spectacle.  

     La création est-elle une course à cette réponse ? ("Elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et moi, sur des quais de marbre, je la chassais" Arthur Rimbaud). Un faisceau de lumière à travers la fumée qui fait aussitôt dire : C'est joli ! Nous nous voyons jolis dans, à travers la création - parce que le Beau ne détruit rien mais construit. Ce qui est magnifique est troublant toujours: il y a quelque chose devant nous que nous ne pouvons toucher et qui pourtant nous propulse, le monde se transforme pour nous faire pleinement heureux, soudainement.

     J'ai souvent cette image d'un royaume perché en haut d'un pic rocheux, mais dont l'accès est impossible; le chemin à un moment s'arrête et plus rien autour, le vide... Plus aucune marche pour atteindre le hâvre essentiel et mon bras tendu qui ne suffit pas et qui persiste ! En évoquant cette image, je me demande d'ailleurs si elle n'existe pas dans quelque publicité récente ?...  Je n'irai pas vérifier... Cette sensation du royaume perché, je la ressens aussi dans une foule allègre qui scande ses cris avec détermination, cette foule où l'individu se réchauffe à l'être. La foule engagée: le lyrisme est populaire. 

     J'attends donc de retrouver les planches. Boxeur assis entre deux rounds pour l'instant tranquilles.

     Je rumine sans aigreur une phrase entendue dans la journée: "Il ne faut pas parler trop dans son propre milieu, ça fatigue, ça se retourne..." Sous-entendu: la parole mal maîtrisée - trop interprétable - éloigne... Elle alimente l'ignorance: effet contraire à celui recherché ! J'ai entendu cette phrase de quelqu'un avec qui je pourrais sans doute passer des heures sans parler (lui, je ne sais pas ?). En fait je crois que parler trop, écrire trop ça alimente la volonté d'ignorance, ça encourage l'expert à se retrancher car comme dit mon personnage Hilflos: "Les experts sont des gens qui savent beaucoup de choses sur pas grand chose". On n'est plus là pour écouter, pour apprendre, mais pour entendre ce que l'on veut ! Cette société en plaques et des gars et des filles, des artistes, d'autres aussi, avec des tonnes de ciment pour donner dans le joint, le colmatage superbe ! La parole tombe dans des trappes comme les pauvres bougres dans celles d'Ubu. C'est un peu l'image du bras tendu vers le royaume. (Camus: "L'exil et le royaume" ?).

     Tout ça pour dire que la nécessité de créer traverse les modes, les dépasse, les renverse. (Kleist encore) C'est une évidence, non ? Un lieu commun ? Tenons-en compte alors ! Défendre l'artiste, c'est accepter qu'il parle trop, à condition bien sûr qu'il ne soit pas dans le grand club du "tout à l'égo" pour reprendre l'excellente formule de Debray dans son "Sur le pont d'Avignon", dont je livre ici un extrait:

     "J’ai découvert la fraternité en débarquant au festival d’Avignon en 1956, après mon premier bac. J’ai mieux compris notre effritement d’aujourd’hui, en y retournant, en 2005, avant mon dernier couac. Ce ne sont pas que nos légendes, nos songes d’une nuit d’été, notre « idéal du moi » qui dansent sur le pont d’Avignon. Ce sont aussi les figures de notre « nous », qui ne sont pas « raccord »,comme disent les ados. L’aura de Gérard Philipe dût-elle beaucoup à Fanfan la Tulipe, aux photos d’Agnès Varda et aux toiles de Gérard Fromanger, je n’ai pas saisi la moindre ressemblance entre la chemise blanche du Prince de Hombourg et celle de votre star de référence. La première nimbait un personnage ; la seconde, un individu. Quand on regardait Gérard Philipe passer dans la rue, on voyait Rodrigue ; je n’ai vu que Jan Fabre dans Jan Fabre. Du premier au second, de l’aristocrate communisant au démagogue libertaire, de « la noblesse pour tous » aux déjections partout..."

      Alors: Parler un peu, beaucoup ? Aller jouer ou pas au Festival d'Avignon (le Théâtre de L'Echappée y a présenté trois spectacles) ? "Etre ou ne pas être... " dedans et dehors en même temps ? 

 

affichage sauvage à Avignon par hervé

 

 

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Incroyable !
  • Suivez l'aventure d'une création théâtrale atypique à J - 79 ! Il s'agit de "Incroyable ! - Un homme qui parle - " de François Béchu qui sera créé au Théâtre de Mayenne le 20 janvier 2015 et le 23 à Changé. Une production du Théâtre de L'Echappée (Laval)
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