Créer un spectacle et préparer le déménagement de la Cie pour un autre lieu sur Laval mélange passé et avenir.

Je retrouve des vieilles photos, des vieux articles de presse d'une époque pourtant pas si lointaine mais éloignée... En 2016 le Théâtre de L'Echappée aura 30 ans ! - "Les Chouans de la Mayenne" dans une cour du lycée Ambroise Paré, préfigurèrent la Cie - 30 ans ! Nous n'attendons pas cet anniversaire pour prendre un nouvel élan, résultat de notre travail et de notre patience, élan bardé toujours de ce turbo qui est l'éthique (un turbo qui n'a pas pour vocation de semer tout le monde mais plutôt de protéger celui qu'il emporte, de l'emmener sur des pages blanches, des plages, afin qu'il ne s'enlise pas !)...

Oui, je n'ai l'impression ni d'avoir profité de grand chose ni d'avoir cédé, sombré dans le copinage, le clan... (les deux font sans doute la paire !) Tout ce qui est l'inverse de la création, quoi, et dont se bedonnent les élus, les "responsables" médiocres. Que d'anecdotes, d'histoires incroyables (tiens !) dans ce pays qui n'est pas le pays d'Ubu pour rien. J'ai d'ailleurs pendant longtemps indiqué sur mes courriers divers "Pays d'Ubu, le..." au lieu de "Laval, le..."

Je me souviens d'avoir proposé à un maire sans ambition de réduire, voire d'enlever les panneaux indiquant Laval sur l'autoroute: à quoi bon y venir si les gens y vivent cachés et n'ont point d'envies ! Je me souviens aussi d'un adjoint à la culture, qui, pour justifier l'achat d'un tableau de notre Douanier avait déclaré devant une assemblée, geste à l'appui: "Oui, mais il est long comme ça !...". Je me souviens de tant de choses dans le style !...Le Pays d'Ubu, vous dis-je !

Une Cie qui s'inscrit sur le territoire - et c'est comme ça que j'ai toujours conçu la présence de L'Echappée - ce n'est pas pour se faire plaisir ! C'est pour le souligner, le partager ce plaisir d'habiter, d'animer et de comprendre la ville, ce monde autour de nous et dans lequel nous vivons... Rien de plus terrible qu'une ville qui ignore ses artistes (certains se font virer en ce moment en France !)... Rien de plus terrible qu'un maire plutôt jeune et "de gauche" qui vous fait dire de "rentrer dans le moule" !

L'artiste est associé au progrès dans sa ville, il en décuple le moindre signe positif et pourtant - contradiction notoire, mais si belle - il est surtout là pour dire "non !". Le "non", jusqu'à une certaine intensité c'est le signe provoqué d'un nécessaire échange, d'u échange supérieur; au-delà de cette intensité, c'est de la résistance.

Je n'ai pas l'intention là de faire une petite tribune d'artiste local - "titre" dont je ne serais jamais vexé - mais c'est important pour une Cie de pouvoir créer de vrais relais, des relais authentiques avec sa ville, son département, sa région, l'Etat, des professeurs, des amateurs... Le succès d'une création n'en dépend pas, mais sa diffusion, oui. Le théâtre est un mystère bien ancré en l'homme - premier narrateur de sa propre histoire - il est donc important d'écouter cette voix, de croiser ce regard qui vous dit par exemple:"Continuez !" Vu sous cet angle, les plus militants sont ceux qui ne vont jamais au théâtre, mais qui sont tellement heureux de savoir que "ça" existe ! "Alors, François ? Toujours dans le théâtre ?... Ah, c'est bien !". Ceux-là, je ne les vois jamais au théâtre... Ils lisent le journal local !

Il y a trois jours j'ai reconnu dans un magasin un de mes élèves d'il y a vingt ans. Sébastien. Il en a trente maintenant m'a-t'il dit ! En quinze secondes j'ai compris sur son visage et dans le ton de sa voix ce que le théâtre avait laissé en lui - un vrai sac de lingots - ! Et j'ai eu dans ce temps une sensation de plénitude ! Trente ans à faire valoir le théâtre en Mayenne et un sourire de quinze secondes qui remplit mon coeur ! (J'en profite pour dire que ce n'est pas la première fois - ni la dernière j'espère - qu'il se remplit ainsi, mon coeur !).

Donc, oui, déménagement, et partie de cet élan venu de loin que je retrouve en rangeant tel accessoire, tel costume... Une réplique parfois, une intonation comme "Quel homme rond que Monsieur Répin !" (dans Jules Renard); il y en aurait cent ! Ranger, classer, faire la place au nouveau décor, déplier l'ancienne frise du Théâtre Municipal qui entendit pendant un siècles illustres chanteurs et comédiens et se dire que lui redonner du service serait formidable sans oublier alors ses vieilles complices: les rampes ! Ordonner le local décor - les vieilleries - et les nouveautés, assurer leur côtoiement (pas de conflit de génération surtout au théâtre !)...

De l'élan, du goût toujours à inventer sur des voies encore mal explorées par nous du répertoire... "Incroyable !" contient cet hommage au théâtre, à tout ceux qui dans les cabarets parisiens d'après-guerre ont forgé leur parole: Devos, Bernard Haller, Philippe Avron, Jacques Villeret... Etre un autre travailleur de l'art qui ne se prend pas au sérieux, avancer au moins un pied sur la photo de famille...

Après "Incroyable !", il y aura toutes les actions lancées avec "Les douze marches du panthéon avec Germaine Tillion" (27 mai 2015, dernière marche, mais il semble qu'il faille redescendre l'escalier jusqu'en 2016), "Le Jardin", de Zinnie Harris, "Erling" de Christina Herrström... Les "reprises": "Mendel, le 2ème voyage à Munich", "Papillon", de la belle Claudine Orvain...

Je me réjouis que ce programme, si plein, si diversifié soit ainsi lancé... Et puis les électriciens attaquent la semaine prochaine, les peintres suivront... Quel plaisir ! Une municipalité qui tient sa promesse ! Etre enfin heureux de dire partout où nous sommes allés depuis avril, partout où nous irons : "Oui, c'est une Cie lavalloise ! " (Voilà bien sept ans que je ne l'ai pas dit ? Cherchez l'erreur !)

Il y a eu d'ailleurs sept ans en septembre dernier que j'écrivais et mettais en scène "Monsieuye Jarry" - premier spectacle du nouveau théâtre municipal de laval. Nous avions réuni chanteurs lyriques, musiciens, danseurs, comédiens amateurs issues de cinq Cies amateurs du département, échassiers... Une vrai fête du théâtre ! Et puis sept ans de purgatoire local ! Heureusement que les frontières sont faites pour être franchies, mais c'est moche, le gâchis !

Merdre !

Pays d'Ubu

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