"Mourir pour des idées". Brassens chantait, en se moquant cette doctrine là (aussi !). ("Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles?). Bon, aujourd'hui ce sont hélas les idées qui meurent... et Brassens pourrait peut être penser à mourir au moins pour l'une d'entre elles... en espérant que le rire, le rire suprême prenne le dessus comme il se doit, et le sauve !

Aujourd'hui pas mal d'agitation autour du bateau "Incroyable !" (qui tient bien la mer, je vous rassure !), et le temps de rabâchage du texte a été pareil à celui qu'on connait quand on fait la planche: c'est plein de tout et de rien; ça fait l'équilibre, ça trace sa ligne de flottaison, ça flotte et parfois ça voudrait couler, parfois ça voudrait profiter d'un geyser, ça cogne au silence justement, ça veut déjà que le public soit là !

Agitation, texte, et en contrepoint le silence envahissant, marée montante mesurable aux secondes disponibles - petits rochers - le silence qui les recouvre systématiquement. C'est l'obligation que je me suis fixée chaque jour de vous envoyer des nouvelles, ce bulletin météo sur la carte maritime, spaciale et terrestre à la fois de "Incroyable !" qui me permet de comprendre cette nécessité du silence. Il régule l'esprit, on dirait... Les pensées, les idées, les occupations même laissent passer de ces fameuses secondes, et hop: le silence s'en empare brillamment ! Les prières, les supplications c'est différents : ça met sa robe et ça veut figurer au premier plan, ça dresse des piliers de marbre pour le soudoyer... le silence !

Et la respiration, c'est le pouls - paradoxal - du silence.

Voyant l'heure tourner j'ai voulu lui opposer une inquiétude, lui mettre l'urgence d'écrire la page du jour sous le nez... Un bon journaliste qui réussit à boucler son article à la dernière seconde, quoi ! Mais rien ! K.O d'impuissance j'étais, et à chaque tentative ! J'ai été soucieux, presque désagréable, j'y penses, avec la caissière du Leclerc qui a failli l'être, elle aussi (heureusement, elle n'en a pas le droit, ouf !)...

J'ai compté sur un éclair, sur un trait d'intelligence (!), une phrase entendue, un bout de texte, une formule à décortiquer, sur l'évocation d'une anecdote liée à "Incroyable !"... Le silence était sans faille aucune, et il me neutralisait. Au moment même où j'écris il me semble qu'il me surveille, qu'il a dressé un périmètre précis, duquel je ne vais pouvoir sortir. J'en suis bel et bien prisonnier (m'évaderais peut-être cette nuit?). Et comme chaque prisonnier encore chargé de ressources malgré tout, je dois me débrouiller et trouver l'occupation qui m'ira le mieux: peu importe de faire avec seulement ce qu'on a du moment que l'esprit puisse s'évader. Et s'évadant, l'esprit, il fait mûrir le silence.

Du coup, je n'ai plus d'obligation: le texte du blog ne part pas dans les vingt quatre heures qui font sont ring, eh bien il partira après minuit ! Et si aucun texte ne vient, eh bien... Mais si, justement, si le texte vient c'est que le silence l'a mûri et qu'il peut donc s'étaler sans contrainte quoique sous sa haute autorité toujours; il a gagné une permission.

Le silence, c'est le point sublime de la liberté.

Il ne faut pas qu'on se craigne soi-même dans le silence car alors on refoule tout ce qui arrive (parfois en mettant du temps comme aujourd'hui) des quatre coins de la pièce où nous sommes, des quatre "coins" du monde !... Un ethnologue, je pense, travaille avec le silence. Et je ne sais plus quel auteur (Mandiargues?) mettait une pancarte sur sa porte quand il faisait sa sieste; sur la pancarte était écrit: "Je travaille".

J'ai bien travaillé aujourd'hui ! (sans faire de sieste !)

Jean-Marie et Hervé: "Mais que fait-il ?"

Mûrir pour des idées

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